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Publié le : 16 mars 201813 mins de lecture

Définition

La stimulation cognitive fait partie des techniques de prise en charge non médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer (MA). Il s’agit d’une approche pédagogique globale : cognitive, psychologique et sociale.

Historique

Dans les années 1980, l’augmentation de la population âgée a fait émerger de nouveaux besoins en matière de prise en charge des troubles de la cognition associés à l’âge et/ou aux pathologies neurodégénératives.

Des programmes de stimulation cognitive, des ateliers mémoire, se sont développés tant pour des populations normales, c’est à dire ne souffrant pas d’un vieillissement cognitif pathologique, que démentes, plus ou moins âgées. Ces programmes visaient des objectifs différents, avec des méthodes variées, appliqués par une grande variété de professionnels.

Dans le service du professeur F.Forette à l’hôpital Broca, Jocelyne de Rotrou et son équipe de psychologues ont mis en place dans ces années 80 un programme de stimulation cognitive et psycho-sociale de prise en charge des patients atteints de la maladie d’Alzheimer à une époque où aucun médicament n’était disponible.

Fondements théoriques

Le concept de stimulation cognitive se base sur les recherches des neurologues, des physiologistes et des épidémiologistes.

Ils ont mis en évidence la capacité du cerveau jeune comme du cerveau âgé à réorganiser et à augmenter les connexions entre ses neurones ainsi que l’activité des neuromédiateurs.

C’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale, capacité que possède le cerveau à réorganiser ses réseaux de neurones en fonction des stimuli extérieurs et des expériences vécues. Ce phénomène est à la base des mécanismes de mémoire et d’apprentissage mais sert aussi à compenser les effets des lésions cérébrales en aménageant de nouveaux réseaux.

D’autres recherches épidémiologiques ont montré que l’intensité de l’activité cognitive a un effet protecteur sur la maladie d’Alzheimer (Nun Study, étude Paquid).

C’est ce qu’on appelle la réserve cognitive: plus un cerveau a été stimulé jeune et tout au long de la vie mieux il se défend contre les atteintes de l’âge et des maladies.

Ces recherches ont permis de poser l’hypothèse que l’on a intérêt à stimuler son cerveau à tous les âges de la vie et que la sollicitation des capacités préservées et résiduelles chez les patients Alzheimer renforcerait les réseaux neuronaux peu ou pas atteints par la maladie et permettrait de ralentir la progression des déficits.

Objectifs dans la maladie d’Alzheimer

Les objectifs de la stimulation cognitive dans le domaine de la maladie d’Alzheimer sont triples :

  • Ralentir la pente du déclin en sollicitant de manière appropriée les capacités cognitives et psychosociales préservées et permettre ainsi au malade de conserver plus longtemps une certaine autonomie
  • Conserver au malade une activité sociale
  • Redonner confiance et estime de soi au malade

Les notions de base

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative.

Dès les stades débutants de la MA la dégénérescence d’un certain nombre de neurones entraîne chez les malades des difficultés intellectuelles, affectives, émotionnelles, comportementales.

Les déficits sont hétérogènes car les zones atteintes du cerveau sont relativement variables en localisation et en étendue mais on observe cependant des constantes :

  • Les premières manifestations qui alertent sont des atteintes des fonctions cognitives (en particulier la mémoire)
  • Ce sont les activités conscientes les plus complexes contrôlées par ces fonctions cognitives qui sont perturbées en premier.

Nos pensées, nos apprentissages, nos actions dépendent pour partie de nos fonctions cognitives comme l’attention, la concentration, la mémoire, le langage, les fonctions exécutives (prise d’ initiative, planification d’une action, organisation des taches, jugement, capacité d’abstraction).

Chaque fonction cognitive peut être plus ou moins sollicitée.

Accomplir deux actions en même temps comme par exemple conduire et téléphoner divise notre attention et demande beaucoup plus d’effort à notre cerveau que de faire du vélo.

Comprendre un raisonnement scientifique dans un domaine qui ne nous est pas familier demande à priori plus de concentration que de comprendre une bande dessinée.

Plus la complexité et le niveau d’effort demandés par une activité seront élevés, plus rapidement les malades seront en échec et y renonceront.

Par exemple, au niveau du langage on constate rapidement des difficultés de compréhension du sens des phrases trop longues et trop complexes, une perte du sens des mots abstraits; les malades perdent l’envie de lire.

En ce qui concerne la conduite automobile les automatismes (comme changer les vitesses) resteront longtemps préservés mais le malade ne peut plus anticiper les risques ou peut oublier une partie des règles de la conduite.

On peut savoir encore faire cuire des pâtes mais ne plus pouvoir faire des gâteaux.

La maladie d’Alzheimer modifie aussi les comportements. Les troubles du comportement sont souvent des réactions face à un environnement inadapté ou que l’on ne comprend plus.

Il existe une grande hétérogénéité des symptômes et des déficits mais on retrouve la plupart du temps un certain nombre de constantes :

  • Apathie, perte de l’initiative pouvant mener à un diagnostic inapproprié de dépression
  • Troubles de la mémoire épisodique
  • Difficultés à s’adapter à de nouvelles situations
  • Troubles du caractère :Irritabilité, colères brutales, anxiété, angoisse d’abandon, gestes et propos déplacés.

Il y a dès le début de la maladie l’installation insidieuse et progressive de déficits des fonctions supérieures. Quand la personne est âgée l’entourage a tendance à mettre ces difficultés sur le compte du vieillissement. Il est très important de faire un diagnostic entre troubles liés au vieillissement et maladie d’Alzheimer car la prise en charge cognitive ne sera pas du tout la même.

La Stimulation Cognitive des malades Alzheimer dans les institutions (hôpitaux de jour ou accueils de jour thérapeutiques)

La Stimulation Cognitive se pratique en petit groupe de malades ambulatoires sans troubles majeurs du comportement qui se trouvent aux stades léger à modéré de la maladie d’Alzheimer.

Les psychologues qui animent les séances sollicitent par des exercices cognitifs les capacités préservées et résiduelles des fonctions cognitives telles que l’attention, la concentration, l’orientation temporo-spatiale, la planification, le jugement, l’organisation, la mémoire sémantique et la mémoire implicite.

Les exercices sont conçus pour être les plus proches possibles de la vie quotidienne.

Le nombre de structures qui proposent cette prise en charge est en augmentation. Par exemple les hôpitaux de jour etles accueils de jour thérapeutiques proposent des ateliers de stimulation mais les familles ont tendance à s’y adresser quand la maladie est assez avancée. Le malade reste donc de nombreuses années sans stimulation réfléchie.

La Stimulation Cognitive par l’aidant au domicile

Pendant plusieurs années le malade reste à domicile sans prise en charge particulière (sauf parfois de l’orthophonie) et n’a pas assez l’occasion de solliciter ses capacités restantes.La perte d’initiative étant très précoce si l’aidant n’est pas averti de la nécéssité d’initier des activités le malade reste le plus souvent collé devant la télévision.

L’équipe de psychologues du service du professeur A.S Rigaud de l’hôpital Broca a donc conçu un programme de formation, d’information et de soutien pour les aidants. La maladie y est abordée sous tous ses aspects et l’aidant apprend à appliquer les principes de la stimulation cognitive aux activités de la vie quotidienne. Le malade est pris en charge en atelier de stimulation cognitive pendant la période de formation de l’aidant

Cette stimulation a pour but d’aider le malade à conserver son autonomie dans la vie de tous les jours le plus longtemps possible .

C’est une stimulation écologique car elle s’applique aux personnes dans leur milieu naturel. L’aidant formé, conscient des déficiences et des capacités de son malade sera mieux à même de le stimuler pendant les nombreuses années où il ne sera pas pris en charge dans une structure.

Méthode

Laisser faire au malade tout ce qu’il est encore capable de faire ou lui donner juste l’aide nécessaire pour qu’il y arrive (amorçage, imitation,injonction etc…).

  • Déterminer pour chaque activité au quotidien le niveau de compétence du malade. Ex : La malade ne sait plus faire fonctionner l’aspirateur mais elle peut le passer si on le met en marche (mais elle répondra  » ça m’ennuie  » plutôt que « je ne sais pas comment faire » si vous lui demandez pourquoi elle ne le passe plus).
  • L’aidant encourage le malade à faire tout ce qu’il peut encore faire, il apprend à ne pas se substituer au malade. Ex : Ne pas répondre au médecin à la place du malade,
  • L’aidant identifie et favorise les conversations et les activités qui motivent et font plaisir au malade
  • L’aidant encourage et valorise le malade même si la réalisation d’une tâche est imparfaite

Etant donné la très grande hétérogénéité des déficits et de l’évolution de la maladie il n’existe pas de recettes.

Ce qui fonctionne chez un malade ne fonctionne pas forcément chez un autre.

Pour chaque activité de la vie quotidienne l’aidant se demandera : Qu’est-ce que mon malade peut encore faire ?

Champs d’application

  • Les activités instrumentales de la vie quotidienne : utiliser les moyens de transports, utiliser le téléphone, faire ses courses, préparer les repas, entretenir la maison, prendre ses médicaments, tenir son budget, etc…
  • Les activités de base de la vie quotidienne : se laver, s’habiller, se nourrir, aller aux toilettes, contrôler ses sphincters.
  • La lecture, l’écriture, le calcul
  • Les loisirs
  • Les activités sociales
  • Les activités physiques

Principes fondamentaux pour toute stimulation cognitive

  • Ne pas contraindre
  • Ne pas mettre en échec en surestimant les capacités du malade
  • Ne pas l’infantiliser en le sous-estimant
  • Encourager et valoriser quels que soient les résultats
  • Privilégier le plaisir au travers des goûts, des motivations et des centres d’intérêts

Les autres thérapies non médicamenteuses

Il existe d’autres techniques de prise en charge non médicamenteuses pour les malades Alzheimer.

  • La Reminiscence Therapy ( stimule le malade en lui faisant évoquer son passé)
  • La rééducation cognitive ( essaie de rééduquer les fonctions perdues)
  • La Reality Orientation Therapy (oriente le malade dans le temps)
  • L’orthophonie (rééduque le langage)
  • L’ergothérapie (rééduque les gestes du quotidien)
  • La musicothérapie
  • L’aromathérapie
  • La stimulation multisensorielle
  • Les groupes de parole
  • La psychothérapie individuelle

Limites

Il ne faut en aucun cas s’attendre à une récupération ou une amélioration des fonctions cognitives perdues.

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégérative non réversible.

La stimulation cognitive ne peut pas réparer les lésions cérébrales déjà installées.

Toute stimulation doit être modulée en fonction de la motivation du malade et respecter ses besoins et ses envies.

Les formations proposées aux aidants sont peu nombreuses.

Conclusion

Les bénéfices de la stimulation cognitive sont en cours d’évaluation.

Une étude nationale à laquelle participent des dizaines de consultations mémoire en France a démarré en 2007. Les bénéfices sont cependant très difficiles à établir scientifiquement. Il faut des effectifs importants et on manque d’outils d’évaluation.

Cependant les psychologues qui animent des ateliers de stimulation peuvent témoigner de l’extrême motivation des malades (assiduité des malades aux séances) . De même les aidants qui ont suivi une formation témoignent de l’utilité qu’ils ont trouvée à cette formation tant au niveau du soutien psychologique qu’au niveau pratique pour une vie meilleure au quotidien.

Un nouvel outil semble promis à un bel avenir en matière de stimulation: l’ordinateur.

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